(Extrait de « Chroniques d’un étudiant paumé », par Hermas A. alias Remsah Daekr).
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Elvire pousse un petit rire triste.
Il n’y a plus qu’elle. Il n’y a plus que moi. Autour de nous seuls quelques étudiants s’attardent encore. L’air est empreint d’une solennité douloureuse et lasse. J’aurais voulu que le temps s’arrête. Que ce moment se prolonge à l’infini.
Je sens qu’elle me détaille et, embarrassé, je me détourne feignant de chercher quelqu’un au loin. Mais sous mes paupières plissées c’est son image, enregistré par ma mémoire photographique que je contemple. Elvire, oh Elvire. Feu de mon âme, péché de mes errances moites…
Elle semble attendre que je lui dise quelque chose. Je ne suis pas sûr de la revoir. Nous ne sommes pas sûrs de nous revoir. Des mots. J’ai envie de parler. De lui dire combien elle a compté pour moi, et combien elle compte toujours. À elle qui a su faire échoir en moi le parfum des premiers émois à demi avoués.
Mais je suis surpris de m’entendre dire d’un ton las :
-Il faut que j’y aille maintenant.
L’adolescent bordeline que je suis a craqué. La déception dans le regard d’Elvire m’est aussi palpable que chacun des battements de mon coeur. L’image colorée du soleil au dessus d’elle s’est tamisé à mes yeux jusqu’à ne devenir qu’un blanc scintillant dans l’éclat du midi.
Elvire fait un signe morne de la tête puis s’éclipse.
Elle est partie. Et je suis là. Regardant dans la direction opposée à celle qu’elle a certainement prise. Parceque je n’ai pas eu le courage de la regarder partir. Elle a juste disparu, Plop! Et j’aime mieux çà. Seul au monde, et la mort dans l’âme au milieu du campus universitaire, sous un soleil de plomb, à midi quarante-cinq tapantes. Poétique. Charmant après midi.
Je me retourne et je la cherche du regard. Mais elle n’est plus là, envolée. Et c’est alors que la valse de questions que j’aurais du lui poser pour revoir plus d’un million de fois son sourire m’est tombée dessus. J’ai envie de crier son prénom. De lui crier de revenir. Et quand elle reviendrait, je lui poserais la question. Je lui demanderais *POURQUOI UN CORBEAU RESSEMBLE T-IL À UN PUPITRE?* .
Et elle me répondrait. Mais je n’en ai rien fait. Et je ne crois pas que l’occasion puisse un jour encore se présenter.
Cotonou le 22/10/2015, 19h 8 min.
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Apostille : ( Ajouté le 9/06/2019).
Aujourd’hui, je lis cette histoire et je ne peux manquer de sourire. J’avais 17 ans et j’écrivais une histoire vraie. Mon histoire ( même si j’ai changé les prénoms). Elle est empreinte d’une naïveté monumentale, mais je l’aime bien.
Ah oui, à propos le fameux « Pourquoi un corbeau ressemble t-il à un pupitre? » est une question que pose le CHAPELIER FOU à ALICE dans le livre ALICE AU PAYS DES MERVEILLES de LEWIS CARROLL.
Question a laquelle ALICE répond « Les cheveux, tu dois te faire couper ». Et bien sûr, ni la question, ni la réponse n’ont de sens. 😅