Avant propos
Ce texte constitue la première partie de la trilogie que je dédie à l’oeuvre de Stephen King dans lequel j’exprime la compréhension que j’ai de son oeuvre. Cette première partie introductive est profondément personnelle, mais nécessaire. Ici donc il ne sera pas question de l’oeuvre de Stephen King. Le lecteur est prévenu.
La rencontre
12 Juin 2012. 16 heures et quelques minutes.
Fraîchement nanti du Baccalauréat du Second Degré du haut de mes 14 (quatorze)ans et trois semaines , je profite de vacances bien méritées du côté de Gbegamey, Cotonou.
Accompagné d’une petite cousine, ma cadette de quelques mois, j’entreprends de flâner sur les trottoirs du gentil petit (ou grand?) quartier.
Malgré la chaleur oppressante, c’est de bonne humeur que, trop heureux de nous retrouver pour une fois loin des rigueurs parentales, nous nous engageons entre les dédales des étroites ruelles qui s’entrecroisent et se dédoublent à n’en plus finir.
Autour de nous la ville gémissait sous les rayons de soleil qui caressaient furieusement les crânes. Dans l’atmosphère aigre de l’après-midi nous passions quasi inaperçus, ou du moins, personne ne semblait faire attention au joyeux duo de tourteaux que nous formions.
Débora- car c’était ainsi que se nommait ma cousine- tenait à me faire visiter son école, l’une des plus huppées de la ville. Aussi nous engageâmes nous résolument vers le centre-ville. Après une bonne demi-heure de marche, nous débouchons dans une étroite rue en face de ladite école. Nous campons là, debout, sirotant des victuailles, spécialités du milieu que j’affectionnais beaucoup pendant que, avec force gestes, Débora me contait combien son école était formidable et pourquoi elle était la plus formidable de toutes. Le fait était que nous ne pouvions pas entrer visiter les locaux et que- oh naïve adolescence!- je m’absorbai faute de mieux dans une veine contemplation de la façade grise de l’impressionnante bâtisse.
Soudain, je me sentis violemment arraché de ma rêverie contemplative. Toute occupée qu’elle était à rendre agréable les souvenirs que j’emporterais de son école, Débora me tirait la manche avec insistance, me montrant au loin quelque chose qu’elle croyait susceptible de m’intéresser.
Il s’agissait à première vue dun étalage de marchand de livres. Des livres?! pensai-je aussitôt très excité. Nul ne connaissait autant que ma cousine ma passion pour les livres. Je lui jetai un regard tendre qu’elle accueillit avec la fierté d’un soldat content d’avoir rempli avec brio une difficile mission, avant de me ruer vers ledit étalage.
Je n’avais bien sûr pas les moyens de m’acheter un livre mais j’adorais contempler les maquettes des ouvrages de la même manière qu’un amoureux transi observe à la dérobé celle qui lui a ravi son coeur ou qu’un amateur d’art paie pour observer dans un musée les toiles de ses artistes préférés. Ici, le spectacle était gratuit. Je pouvais prendre, embrasser sentir les ouvrages -car j’aimais aussi l’odeur oh combien enivrante des livres – puisqu’il s’agissait d’un étalage en plein air. Je pouvais aussi repérer quelques ouvrages que je projeterais de lire plus tard.
Je m’approche de l’étalage après avoir salué le « libraire » d’un signe de tête. Les livres sont loin d’être neufs. Certains sont même, et je suis désolé de le constater, dans un état de dégradation avancé. Je m’approche du libraire pour, poliment, en demander la raison. L’homme visiblement ennuyé, m’explique que les livres sont en liquidation.
-En liquidation ?! Vraiment ?! m’enquis-je merveilleusement étonné en pensant qu’il serait peut-être temps de retourner à la maison chercher de quoi revenir arracher tout le stock de livres s’il s’avérait que leur prix entrait dans mes maigres économies.
L’homme confirme, et m’annonce qu’il liquide son stock de 200 livres à vingt mille (20000) francs CFA et que donc l’unité revenait à cent(100) francs cfa. Je suis enchanté et je lui demande de me réserver son stock. En attendant, et comme rien n’est trop sûr j’ai l’intention de prendre un des livres. Il ne s’agirait pas de rentrer à la maison bredouille.
L’étalage contient des tas de livres tous plus intéressant les uns que les autres. Mais ma propension à lire beaucoup trop vite avait forgé en moi une certaine méfiance des « petits » livres. Ils faussaient trop vite compagnie et je n’avais aucun plaisir, à moins que mon amour pour le livre ou l’auteur m’y contraignent, à relire un livre que j’avais déjà lu.
Je cherchai donc en balayant l’étalage du regard un livre suffisamment dense, volumineux pour m’occuper plus d’un jour- car je lisais à la vitesse moyenne de 120 pages à l’heure et donc je terminais les livres moyens en moins de trois heures. Cependant ne pouvant pas lire plus de quatre heures d’affilé une me fallait donc un libre d’au moins 500 pages-.
Comme je scrutait le rayon de livre, Débora attira mon attention sur deux volumes encarnadés dans un coin de l’étalage signés Bernard Werner et Stephen King. C’était respectivement les fourmis et La ligne verte.
-Les fourmis ? songeai-je. Cela ne me disait rien qui vaille. Mais en me répétant le titre et le nom de l’auteur du deuxième ouvrage j’eus une curieuse sensation de déjà vu. Plus tard, bien plus tard, en revoyant mentalement ce moment j’ai dû me rendre à l’évidence que cette sensation venait du fait que j’avais déjà regardé l’adaptation cinématographique du livre mais que inconsciemment, je me l’étais sorti de la tête pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec le film lui même – l’adolescence a cette force stupéfiante qui lui fait oublier les mauvais moments , enfin je crois bien.
Cependant, debout ce 12 Juin là, pendant que le soleil me dardait ses rayons dans le visage, le nom de Stephen king suscitait en moi une image bien précise, une image qui pevertissais le tableau. C’était l’image d’un vieil homme malade cloué dans un fauteuil roulant.
Bien entendu, il ne s’agissait pas de Stephen King mais plutôt de Stephen Hawking, le scientifique. Mais ça je ne le savais pas. Pour moi, et parceque mon cerveau me renvoyait cette image-là, il s’agissait de la même personne. J’étais un peu confus. La seule lecture du titre de ce livre suscitait en moi des impressions confuses. Je pris le livre et le feuilletai brièvement.
Je sentais d’une part qu’il s’agirait d’un bon livre. Mais d’autre part je le demandais ce que, lire une personne handicapée, fatiguée de la vie, m’apporterait. J’hésitais, et en cette minute précise de mon existence, j’étais, sans le savoir, sur le point de prendre la décision la plus importante de ma vie.
Je décidai de le prendre. Les dès était jetés. Et même si, au moment ou je sortais ma pièce blanche de ma poche pour payer le « libraire » en lui promettant de revenir acquérir toute sa marchandise, même si au moment dis-je donc ou je payais j’étais sûr d’avoir pris la mauvaise décision, l’avenir me donnerait tord.
REMS.